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    marilyn monroe

      

    Par Maïa Brami - Bscnews.fr / Sur mon bureau, Fragments, les carnets de Marilyn Monroe parus au Seuil et l’énorme pavé rose des Journaux de jeunesse d’Anaïs Nin, tout juste réédités chez Stock. Un mois qu’ils trônent sur ma table, décorés de post’it multicolores, sans que je puisse commencer l’article. Deux livres les ont rejoints : The many lives of Marilyn Monroe de Sarah Churchwell, la seule biographie à ce jour qui fait exploser le mythe Marilyn en révélant le travail de fiction des biographes et Anaïs Nin, Fictionality and femininity (Clarendon Press/Oxford) d’Helen Tookey, basée sur une thèse de Doctorat en Philosophie. Ouvrages passionnants, qu’on aimerait bien voir traduits en français.

    Incapable d’écrire, je me trouve dans un état d’effervescence mentale dont j’ignore la raison. Plus je cherche à savoir pourquoi, plus la confusion s’intensifie. Au bout de plusieurs semaines, je m’aperçois qu’en moi l’écrivain lutte avec la journaliste : tandis que la première se réjouit, s’enivrant et rêvassant, la deuxième cherche à comprendre et vite, pour maîtriser son sujet et synthétiser ses pensées. À ce jeu-là, aucune gagnante et une frustration grandissante, jusqu’à ce que l’écrivain évoque enfin une hypothèse — « Ces deux femmes, se sont-elles rencontrées? » — qui lui permette de prendre le dessus.

      

    Sur Internet, je tombe sur un passage du Journal de Nin de l’année 1955-56, où elle relate une fête organisée à New York à l’occasion de l’ouverture d’un glacier branché : « La décoration était rétro (…) et l’endroit bourré de célébrités. Un attaché de presse avait pensé qu’il serait amusant d’inviter Marilyn Monroe et Jayne Mansfield.

      

    Ce fût au détriment de Jayne Mansfield. Marilyn arriva sans maquillage, fraîche et lumineuse, et au lieu de poser pour qu’on l’admire, elle regarda chacun avec un véritable intérêt, et quand on me présenta à elle, elle tourna sa chaleureuse attention vers moi. » Ici le paragraphe est coupé, invitant l’internaute à acheter le livre. J’ai désormais la preuve mais pas le fin mot de l’histoire, tant mieux. 1955 marque un tournant dans la vie de Marilyn, qui s’installe à New York et commence un travail d’introspection, à la fois en débutant une psychanalyse et en travaillant avec Lee Strasberg de l’Actors Studio. 

    J’ouvre Fragments.

    Il y a deux carnets datant de cette période, on voit leur couverture photographiée sur fond rouge — un carnet noir quasi vide et un agenda italien —, ainsi que des pages volantes avec l’en-tête du Waldorf Astoria et de Parkside House. 1955, elle rayonne de bonheur avec Arthur Miller. 1956, elle l’épouse et ses pressentiments adviennent — « (…) je ne peux pas m’habituer au fait qu’[Arthur] m’aime et je continue à attendre de lui qu’il ne m’aime plus du tout en espérant que cela n’arrivera jamais – mais je continue à me dire : qui sait ? » —, elle tombe sur son Journal Intime laissé ouvert, où il confie ses doutes sur son amour pour elle, sa déception.

      

    On imagine la violence du choc, alors qu’elle écrit à la même période : « Avoir ton cœur est/la seule chose parfaitement heureuse dont je sois fière (qui m’ait jamais appartenu)/ que j’ai jamais possédée ainsi/la seule chose qui me soit jamais complètement arrivée. »Comme en écho, la toute jeune Anaïs se confiait en février 1923, dans son Journal Cubain :

    « Que Dieu me vienne en aide car je place ma confiance dans l’amour et je voue toute mon âme à l’accomplissement de ma mission humaine. Et, tandis que ceux qui savent me murmurent à l’oreille : “L’Amour passe, le Mariage est un échec, l’Homme est égoïste”, je reste inébranlable, en attente, l’âme pleine de visions qui m’élèvent au-dessus de moi-même »

      

    Chez ce glacier, Marilyn apparaît sans fard et pleine d’assurance, de plain-pied avec la réalité. Cette « Réalité » à laquelle elle met une majuscule et qu’elle entoure dans ce passage datant de 1955 : « Je n’ai pas eu Foi en la Vie/c’est-à-dire en la Réalité – quoi qu’il arrive, il n’y a rien à se tenir – sauf la réalité pour réaliser le présent, quel qu’il soit (…) »

      

    Pour la première fois, elle entrevoit donc la possibilité d’une libération, de ne plus se « sentir honteuse de mes sentiments, pensées (…) », de faire face à son passé, de faire taire sa tante Ida, qui revient la hanter comme un censeur dans sa vie : « Ida – je lui ai encore obéi – c’est nocif pour moi de le faire (cela m’inhibe/inhibe mon travail inhibe ma pensée) mais surtout incompatible avec la réalité parce que la vie commence maintenant (…) ».

      

    De s’accepter, ombre et lumière. Elle a atteint son rêve d’enfant, devenir actrice, et elle compte être la meilleure, s’affranchir de la Century Fox, choisir ses rôles, fonder sa maison de production — Le tournage du Prince et la danseuse avec Laurence Olivier se déroulera à Londres juste après son mariage avec Miller en juin 1956 et c’est à cette période qu’elle tombera sur le Journal de ce dernier.

      

    Chez ce glacier, elle a le visage nu de la femme en confiance, délivrée du jeu des apparences. Sa beauté n’en est que plus frappante. Dans les carnets de cette année-là, elle évoque son corps — « Même physiquement j’ai toujours été sûre que quelque chose n’allait pas pour moi là – peur de dire où alors que je sais où » — et si elle sait en jouer de ce corps, elle, considérée à l’époque la femme la plus désirable au monde, qu’elle puisse en jouir sans culpabilité, rien n’est moins sûr.

      

    Marilyn évoque une agression sexuelle dont on lui a fait porter la responsabilité enfant et une éducation chrétienne qui l’empêchait de regarder ou de toucher son corps. Intéressant parallèle, quand on rapporte qu’adulte, elle adorait se balader nue chez elle, seule ou devant ses invités. Je me plais à imaginer l’origine de la déception d’Arthur Miller, lui qui voyait en elle un ange, désarçonné de découvrir une femme de chair… désirante — « Je suis si soucieuse de protéger Arthur.

      

    Je l’aime - et il est la seule personne – être humain que j’ai jamais rencontré que je pourrais aimer non seulement comme un homme que je désire jusqu’à en être pratiquement affolée – mais il est la seule personne – en tant qu’autre être humain à qui je fais confiance autant qu’à moi-même (…) »De son côté, Anaïs Nin — qui a partagé son cœur et son lit avec un autre Miller, le sulfureux Henry — vient à l’écriture pour palier la séparation d’avec son père adoré.

      

    À onze ans, elle lui adresse sa première lettre sur un cahier d’écolier et ne cessera plus d’écrire jusqu’à sa mort en 1977. Elle ne cache ni son amour ni son désir pour lui et un parfum d’inceste imprègne toute son œuvre. À l’automne 1957, elle écrit : « Tout ce qui me reliait à l’acte d’écrire était associé en moi à un acte de séduction à l’attention de mon père.

      

    À chaque fois, c’était accompagné de culpabilité (…) J’étais condamnée par l’énormité de mon pêché (le vœu de charmer mon père) (…) Chaque action, vendre un livre, accepter un dollar, impliquer les autres, était chargé d’une connotation sexuelle : courtiser le monde ».Enfant, Nin pose nue pour son père, qui adore la photographier avec son frère. Plus tard, comme Marilyn — qui appelait ses maris « daddy » —, elle sera modèle et mannequin.

      

    Dans Anaïs Nin, Fictionality and femininity, Helen Tookey explique que toutes deux sont, en général, « associées au corps et à la sexualité. Mais si Monroe est avant tout une icône visuelle, Nin est l’écrivain de l’érotisme combinant sexualité et textualité ». Plus j’avance dans la lecture de ses carnets, plus je me dis que cette étiquette d’icône visuelle a sûrement précipité Marilyn dans le désespoir.

      

    Elle qui essayait de s’émanciper d’elle-même, de l’industrie du film et des hommes, dans une société encore emprunte de la rigidité d’après guerre véhiculant une image de la femme réductrice — fiancée prude ou femme fatale. Pour preuve, dans les biographies et fictions inspirées par sa vie, Norma Jeane Baker symbolise toujours son moi réel, pur et innocent, alors que Marilyn Monroe représente une image artificielle, un masque glamour, une illusion. Encore des clichés que fait exploser Sarah Churchwell dans son livre, notamment en précisant que la star avait fait modifier ses prénoms et noms à l’état civil, qu’elle était morte « Marilyn Monroe », Monroe étant le nom de jeune fille de sa mère.

      

    Autant Nin, de son vivant — en 1973, les quatre premiers volumes de son Journal se vendent à 125 000 exemplaires aux Etats-Unis — est acclamée (et controversée) par les lectrices et les féministes, qui se déchaîneront (les biographes aussi) ensuite contre elle à sa mort, remettant en question son image d’artiste indépendante et libérée, autant Marilyn, considérée avant tout comme un objet de désir, reste victime d’une injustice terrible — qui, même aujourd’hui, l’associe à une actrice de talent, elle que Kazan comparait à Marlon Brando ?

      

    Peu avant de mourir, dans son dernier entretien, elle confiait : « C’est agréable d’être un fantasme, mais on aimerait aussi être accepté pour ce qu’on est ».Que se serait-il passé si Marilyn avait pu lire le premier volume du Journal d’Anaïs, paru en 1966 ? Un rendez-vous incognito à Santa Monica — elles habitaient Los

      

      

    sources /

    http://www.paperblog.fr/3986947/eclats-de-femmes-marilyn-monroe-et-anais-nin/

      

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    Fragments – Marilyn Monroe

                 

     

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    « Je sens la vie qui se rapproche alors que tout ce que je veux c'est mourir. »

     

    En apprenant la nouvelle, les carnets de Marilyn allaient être publiés, j'ai d'abord cru à un coup médiatique et pécuniaire. Je me suis ensuite demandé s'il existait une pertinence ou alors, s'il ne fallait pas plutôt laisser en paix la femme au multiples fragilités et à la solitude exacerbée. L'icône au dénuement tragique devant la cruauté de l'existence.

     

    La lecture de Fragments m'a convaincue. Le travail de l'éditeur est abouti et exigeant. Le livre, en tant qu'objet, est sublime. L'esprit des carnets de Marilyn respecté et honoré. Les premiers poèmes sont balbutiants. Le besoin d'être nourrie de Marilyn, sans éducation, s'intensifie. Les pages prennent ensuite de l'assurance pour révéler un esprit frondeur et lucide.

     

    Les photos qui jalonnent le livre révèlent une Marilyn lectrice compulsive. Admirez celle où l'actrice termine Ulysse de Joyce ! Personnellement, je n'ai jamais réussi à aller au bout...

     

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    J'ai refermé le livre avec tristesse et un sentiment de gâchis envers cette fin dramatique mais aussi pour ce monde qui a un besoin viscéral de faire passer une telle femme pour une douce idiote.

     

    4--toiles.gif Seuil, 272 pages, 2010

     

    Extraits

    « Avoir ton coeur est la seule chose parfaitement heureuse dont je sois fière. »

     

    « Seuls quelques fragments de nous toucheront un jour des fragments d'autrui. La vérité de quelqu'un n'est en réalité que ça, la vérité de quelqu'un. On peut seulement partager le fragment acceptable pour le savoir de l'autre. Ainsi on est presque toujours seuls.

    Comme c'est aussi le cas de toute évidence dans la nature - au mieux peut-être notre entendement pourrait-il découvrir la solitude d'un autre. »

      

    sources : http://www.paperblog.fr/5084545/fragments-marilyn-monroe/

      

      

     

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