Si la plupart des entreprises ferment, le dimanche, à la morgue du comté de Los Angeles
c'est en général le jour le plus actif. C'est le plus souvent le samedi soir que l
es gens meurent dans des circonstances curieuses. En 1962, le bureau du coroner
du comté et la morgue étaient situés dans le sous-sol du palais de justice, d
ans le centre-ville.
Le DR Thomas Noguchi, récemment nommé médecin légiste adjoint,
arriva à 6 h 30 le dimanche matin. Le coroner Curphey avait appelé le
bureau avant son arrivée et laissé un message:
"Le DR Curphey veut que le DR Noguchi procède à l'autopsie de Marilyn Monroe.
" Noguchi ignorait que la star était morte et il pensa que la personne à autopsier
portait le même nom qu'elle. Quand il apprit qu'il s'agissait effectivement de la
célèbre Marilyn Monroe,
il trouva curieux que le coroner Curphey l'ait choisi comme légiste.
"On aurait dû confier une autopsie de cette importance à un médecin plus confirmé,
déclara Noguchi. Et pourtant le DR Curphey avait bien spécifié que le
travail me revenait."

Docteur Noguchi (à gauche).
Le DR Noguchi vérifia la liste des corps arrivés à la morgue dans la nuit
de samedi à dimanche et fut surpris de ne pas trouver de Marilyn Monroe sur la liste.
Il interrogea l'assistant du coroner, Lionel Grandison. Celui-ci devait vérifier les décès
survenus dans le comté de Los Angeles et s'assurer que tous ceux qui s'étaient produits
dans des circonstances peu claires, ou hors de la présence d'un médecin, étaient
déférés au bureau du coroner. Grandison ne tarda pas à découvrir une première irrégularité.
"Quand les gens meurent de cause naturelle à l'hôpital, leur corps y est
généralement conservé jusqu'à ce que les dispositions soient prises
pour leur transport en vue des funérailles, explique Grandison.
Mais, quand la mort en question peut être un suicide ou un meurtre,
quand il s'agit d'un accident ou quand les causes sont tout simplement inconnues,
la loi dit que le corps doit être transporté à la morgue du comté,
pour que le bureau du coroner tire les conclusions adéquates."
Grandison entreprit une recherche et trouva le corps de Marilyn Monroe
aux pompes funèbres de Westwood Village. "Pour que cela ait été possible,
poursuit Grandison, il a fallu que quelqu'un téléphone à l'entreprise de
pompes funèbres et demande spécifiquement qu'on vienne chercher le corps."
Il fut d'autant plus
choqué de découvrir que les responsables des pompes funèbres de
Westwood Village préparaient déjà le corps pour l'embaumement,
si bien qu'ils étaient très réticents à l'idée de l'envoyer au coroner.

C'était une situation sans précédent, et son enquête ultérieure amena
Grandison à interroger le personnel des pompes funèbres de Westwood Village,
mais il ne réussit pas à découvrir qui avait demandé par téléphone que le corps s
oit transporté dans leurs locaux. Peu après 9 heures du matin, Grandison fit
prendre le corps aux pompes funèbres et le fit placer dans le casier nº 33 de
la morgue du comté de Los Angeles, au palais de justice. Marilyn Monroe
devint le cas nº 81128 dans les dossiers du coroner.
Marilyn Monroe fut ainsi la première des stars à figurer dans la distribution
morbide du film de la vie professionnelle du DR Noguchi. Devaient suivre Sharon Tate,
Janis Joplin, William Holden, Nathalie Wood et John Belushi.
En 1968, il fit aussi l'autopsie de Robert Kennedy. Noguchi publia alors un livre sur sa fréquentation des cadavres célèbres et conquit le sinistre titre de "coroner des stars".
Après la publication de son livre, en 1984, il fut démis de ses fonctions de
directeur par l'administration de la ville à cause d'une prétendue mauvaise gestion de
son bureau et de la publicité tapageuse faite autour de son métier de médecin légiste.
Peu avant le début de l'autopsie, John Miner, avocat général adjoint,
spécialiste de droit médical et psychiatrique, se joignit au DR Noguchi.
John Miner était professeur adjoint à l'école de médecine de l'université de Californie
du Sud et, de même que le DR Ralph Greenson, chargé de cours à l'Institut
de psychanalyse de Los Angeles.
Le coroner du comté de Los Angeles, le DR Theodore Curphey, assistait, lui aussi,
à l'autopsie de Marilyn Monroe. Bien que sa présence n'eût jamais été révélée par
le bureau du coroner, Lionel Grandison a récemment déclaré:
"Je me souviens du jour de cette autopsie, et je peux affirmer que
le DR Curphey était là...
Je sais qu'il a personnellement supervisé tout ce qui s'est passé."

La révélation de Grandison explique peut-être pourquoi on avait assigné un
tout nouveau médecin légiste au cas nº 81128. "La présence du coroner Curphey
à une autopsie était sans précédent, affirme Grandison.
Il a supervisé toute la procédure et orchestré le rapport final.
Il lui aurait été difficile de le faire avec le légiste en chef, qui aurait
normalement dû se voir confier cette tâche."
A propos de la manière dont le coroner Curphey dirigea l'autopsie,
Noguchi a déclaré: "Tout jeune membre de l'équipe, je n'ai pas eu le sentiment
que je pouvais m'opposer au patron sur la procédure."
Le DR Noguchi et John Miner avaient lu les rapports de police indiquant que
Marilyn Monroe était morte dans une pièce fermée de l'intérieur et que ses médecins
pensaient qu'elle avait succombé à l'ingestion d'une trop forte dose de barbituriques.

Ils avaient aussi analysé les flacons de comprimés pris dans la chambre.
Le DR Engelberg avait déclaré à la police que, le vendredi 3 août,
il avait renouvelé l'ordonnance de Marilyn Monroe pour 50 comprimés
de Nembutal. Le registre de la pharmacie San Vicente indiquait que l'ordonnance
avait été exécutée la veille de la mort. [Mais ne mentionnait que 25 comprimés.]
Le DR Noguchi déclare que, bien qu'on n'eût découvert aucune seringue
dans la pièce fermée, l'autopsie commença par une recherche de points
de perforation qui auraient indiqué que des substances avaient été administrées par injection.
Le rapport d'autopsie indique clairement: "Pas de traces d'aiguille."
Dans le dossier, il est bien dit que le DR Engelberg avait fait à Marilyn une piqûre le 3 août -
la veille de sa mort - vers 16 heures. Et, comme elle mourut vers 22 h 30 le lendemain,
on observe que trente heures s'étaient écoulées.
Le DR Noguchi, dans son livre, Coroner, explique combien il est difficile de
découvrir des traces de piqûres récentes. Il cite le cas de John Belushi.
Après avoir examiné le corps de ce dernier, la police avait éliminé l'injection
d'une substance toxique comme cause de la mort parce que le personnel
du coroner n'avait pas réussi à découvrir de traces de piqûre.
Le chef de la division
de médecine légale, le DR Ronald Kornblum, examina le corps de Belushi
et fut incapable, lui aussi, de découvrir une trace de pénétration d'aiguille
- pas plus que le DR Noguchi.

Mais celui-ci, soupçonneux depuis qu'on avait retrouvé de la poudre
de cocaïne sur le lieu du décès, persista: "J'ai pris le bras droit de Belushi dans
mes deux mains, et je l'ai pressé, raconte le docteur...
Soudain, une gouttelette de sang est apparue au creux du coude, mais le fait que les piqûres récentes
aient été si difficiles à découvrir m'inquiéta...
On avait utilisé une aiguille stérile et seules des gouttelettes de sang le révélaient."
Autre sujet d'inquiétude lors de l'examen externe du corps: la lividité cadavérique.
Elle est causée par l'effusion hors des vaisseaux du sang qui s'accumule dans
les parties les plus basses du corps dans les heures qui suivent la mort.
Il y produit des taches qui vont du gris bleuâtre au violacé.
Dans son rapport, le médecin mentionne deux zones de lividité:
le visage, le cou, les bras, la poitrine et l'abdomen, d'une part, et
"une légère lividité qui disparaît à la pression sur la face postérieure des bras et des jambes",
d'autre part. Cette double lividité présente une grande importance légale.
Les zones de lividité secondaires se forment quand on bouge un corps
pendant que s'installe la lividité cadavérique, processus qui dure généralement
quatre heures
après le moment de la mort. Par exemple, si un corps repose sur le ventre
pendant trois heures
après la mort et qu'ensuite il soit mis sur le dos, une zone de lividité secondaire
peut apparaître sur le dos pendant l'heure qui suit.
Vous remarquerez, le doigt dirigé vers les médicaments.?......
La mort de Marilyn Monroe avait choqué le monde entier. Des années après,
cette mort semble toujours inexpliquée et diverses théories ont vu le jour.
Une photographie, dont El Pais a eu l’exclusivité pour la diffusion, jamais publiée
apparait dans un livre, Exquisite Corpse, et elle montre le corps de Marilyn Monroe
juste après sa mort en août 1962. On peut aussi voir un bras tendu
montrant la table de nuit et les médicaments qui auraient tué l’actrice.
Ce bras pourrait appartenir à Jack Clemmons, l’inspecteur qui s’est rendu sur les lieux.
Dans ce livre, le médecin légiste, Thomas T. Noguchi, explique que la
mort de Marilyn a été le plus grand défi de sa carrière de médecin.
Le DR Noguchi et John Miner auraient pu envisager cette possibilité
quand ils remarquèrent cette double lividité.
On sait maintenant que Marilyn Monroe est morte vers 22 h 30 le samedi soir.
Son corps a été retourné et placé sur le brancard par Guy et Don Hockett
[des pompes funèbres]
huit heures après la mort, soit quatre heures après la fin du processus d'installation de la lividité cadavérique.
En conséquence, la légère lividité remarquée sur son dos n'a pu se produire
qu'immédiatement après la mort, quand le corps est resté un temps sur le
dos avant qu'on le place à plat ventre sur le lit.
Le rapport du DR Noguchi signale deux contusions récentes sur le corps de Marilyn:
"une petite ecchymose sur la fesse gauche et une autre à
gauche sur la chute des reins".
Pourtant, à en croire Lionel Grandison, d'autres bleus étaient visibles sur le
corps de Marilyn, ignorés par le document officiel.
"Quand un corps est amené
à la morgue, explique Grandison, il est immédiatement
inspecté par un assistant médical.

A ce stade, tous les bleus, cicatrices, coupures et autres traumatismes
sont indiqués sur une première fiche d'examen. Cette fiche est intégrée
au dossier officiel." Lionel Grandison déclare qu'il a vu cette fiche le matin du 5 août
et qu'elle signalait les bleus sur la fesse indiqués dans le rapport d'autopsie,
mais aussi d'autres bleus, sur les bras et à l'arrière des jambes.
Selon Grandison, "la fiche de cet examen initial faisait partie
du dossier qui
disparut quand l'affaire prit de l'ampleur." Le fait que ces bleus évidents
n'aient conduit à aucune interrogation, et que les plus petits ne furent même
pas notés, constitue une omission troublante.

Le DR Noguchi admit, lors d'une interview, en 1982, qu'on aurait dû s'intéresser a
u gros bleu pourpre sur la fesse gauche. "Ce bleu, dit-il, n'a jamais été totalement expliqué.
C'est un signe de violence." Après l'examen externe, le DR Noguchi passa à l'examen interne.
Il ouvrit l'estomac, et John Miner et lui en ont examiné le contenu,
à la recherche de traces des comprimés de Nembutal qu'elle aurait ingérés.
Ils ont donc été surpris de trouver l'estomac totalement vide.
"Il y avait dans l'estomac une petite quantité de liquide, se souvient John Miner,
mais nous n'y avons détecté aucun signe qui aurait indiqué qu'il avait contenu
une forte dose de médicaments ou de sédatifs."
"Un prélèvement du contenu gastrique examiné sous microscope polarisant
ne montre pas de cristaux réfringents", déclare le rapport d'examen.
Selon le DR Sidney S. Weinberg, ancien médecin légiste en chef du comté de Suffolk,
New York, "la mort par ingestion d'une grande quantité de barbituriques est i
ncompatible avec l'absence de cristaux réfringents dans le tube digestif.
Sous microscope polarisant, on aurait pu déterminer la nature exacte du
produit ayant entraîné la mort, car ces médicaments ont chacun
leur forme cristallisée particulière."

De plus, le DR Weinberg et plusieurs autres médecins légistes de renom
ont souligné qu'on appelle le Nembutal la "veste jaune" à cause du jaune
de la gélatine qui entoure le produit actif. Si Marilyn Monroe avait avalé
une cinquantaine de comprimés de Nembutal, comme on l'a dit, il y aurait
eu des traces de teinture jaune dans le tube digestif, surtout dans un estomac vide.
Le DR Noguchi ne trouva aucune trace de teinture jaune. Pour examiner l'intestin,
le DR Noguchi et Miner commencèrent par regarder le duodénum,
la première section après l'estomac.
Quand des comprimés ont séjourné un certain temps dans l'estomac,
il arrive que des résidus passent dans le duodénum. "Je n'ai pas trouvé
la moindre preuve visuelle de la présence de comprimés dans l'estomac ou
l'intestin grêle, déclara le DR Noguchi. Aucun résidu. Pas de cristaux réfringents.
Et pourtant les flacons de comprimés vides montraient que Marilyn Monroe
avait avalé de 40 à 50 comprimés de Nembutal et un grand nombre
de comprimés d'hydrate de chloral."

L'un des problèmes posés par l'examen ne fut donc pas tant ce que
le DR Noguchi et John Miner trouvèrent, mais ce qu'ils ne trouvèrent pas.
Autre facteur important lors de l'examen tant externe qu'interne: l'absence
d' "odeur de poire". Les médecins légistes savent que les victimes d'une ingestion
d'hydrate de chloral dégagent une forte odeur, dite "de poire".
Ce n'est pas le cas lorsque la dose fatale d'hydrate de chloral a été injectée
par voie intraveineuse et non ingérée par le tube digestif.

John Minier
L'autopsie sur le corps avait duré cinq heures. On ramena ce qui restait
de Marilyn Monroe dans le casier nº 33 de la morgue.
C'est peu après 22 heures, ce dimanche soir, que le photographe de Life
Leigh Wiener s'introduisit dans la morgue du comté.
Moyennant une bouteille
de whisky, l'employé de la morgue lui ouvrit le casier nº 33 et en tira le corps
pour que Wiener prenne quelques photos. Il en prit plusieurs du cadavre,
couvert et découvert. Ce fut la dernière séance de photos de Marilyn Monroe.
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